17/02/2014

Le « Remis » (sorte de taxi à prix de course fixe) commandé nous emmène à l'autre aéroport, plus proche, après avoir pris congé de Mabel et de Meli. La gentillesse de Mabel et de sa famille est vraiment très touchante et nous a fait chaud au coeur.

Nous volerons avec Aerolineas Argentinas dans un Boeing 737. Enormément de monde dans les halls : vacances d'été des Argentins. Décollage avec du retard (attente d'un fauteuil handicapé). Trois heures et demie de vol plus tard, soit un peu avant 15 H 00 et après un atterrissage bumpy, autrement dit olé, olé, nous sommes rendus à Ushuaïa, à l'extrémité Sud de l'Amérique du Sud.

Après l'Europe et l'Afrique, c'est un nouveau continent que nous découvrons et nous sommes très excités à cette idée.

Nous prenons un taxi qui nous emmène à l'hôtel que nous avons réservé : La Laguna. Petit et très simple, il nous convient. Ce que nous vérifions et remarquons tout de suite, c'est bien sûr que l'eau s'évacue en sens inverse dans le lavabo : bienvenue dans l'hémisphère Sud ! Merci Coriolis. L'espagnol parlé ici (comme à Buenos Aires) est différent du Castillan : dans beaucoup de tournures de phrases, de vocabulaire, d'expressions et bien sûr le ch est partout présent à la place du ll. Exemples : une baleine = ballena devient ici bachena. Comment t'appelles-tu = como te llamas devient como te chamas,...Au début, c'est très surprenant !

Nous partons à pied, manger un morceau en centre-ville, il est plus de 16 H 00 et nous avons un petit creux.

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Direction le port pour le paysage, puis les deux agences de voyage où les excursions sont réservées pour demain et après-demain. Nous nous baladons dans la ville. Il fait frais, nuageux et bientôt une petite pluie fine nous enveloppe. Nous rentrerons finalement en taxi, car l'hôtel est loin de la ville, les rues sont escarpées et nous avons beaucoup marché pour nous imprégner de l'atmosphère très particulière qui règne ici, au milieu des nombreux touristes. Ushuaïa est un port animé et une base de départ pour ceux qui aiment l'aventure, y compris avec les bateaux en partance pour l'Antarctique (prix d'une croisière dans les eaux glacées : entre 7 et 70 000 usd !). Depuis peu, les immigrants de pays comme la Bolivie, déboisent la forêt sur les hauteurs de la ville, construisent des maisons et prennent possession des terres, la forêt, diminuant comme peau de chagrin, disparaîtra peu à peu.

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Repas rapide à l'hôtel et coucher : notre première nuit sur l'Isla Grande de Tierra del Fuego, al Fin del Mundo. Nous sommes en Terre de Feu, archipel du bout du monde battu par les vents, à l'histoire remplie de naufrages, partagé entre Chili et Argentine. La Terre de Feu, région la plus australe d'Amérique, c'est la rencontre des Andes et de l'Océan Antarctique. Elle incarne la recherche d'aventure et d'absolu et évoque grandes distances, solitude, tempêtes. Pourquoi ce nom ? : les indiens Yamana allumaient des feux le long des côtes pour se réchauffer et c'est ce qu'ont vu les premiers navigateurs. Il y a environ 9 000 ans, les eaux du Détroit de Magellan séparèrent la pointe du continent et la Terre de Feu qui se retrouva ainsi isolée. Plus au Sud, le Détroit de Drake est le point de jonction entre les 2 océans : Pacifique et Atlantique, puis Antarctique.

18/02/2014

Le réveil n'a pas sonné ! Et l'hôtelière a oublié de toquer à notre porte, comme demandé. Bref, nous sommes très en retard : préparation ultra rapide, appel taxi pendant le petit déjeuner express et nous voilà partis jusqu'au port, à l'agence Patagonia Adventure Explorer.

Nous montons dans un petit bateau à moteur (moins de 20 personnes) car nous ne souhaitions pas un bateau plus grand du genre ferry, afin de pouvoir profiter pleinement. Navigation sur les eaux gris-vert du Canal de Beagle avec deux guides fort sympathiques. Il fait exceptionnellement beau aujourd'hui et la vue sur Ushuaïa, les montagnes environnantes, fjords, chenaux, glaciers, est magnifique. P1000979blog.JPG

Nous découvrons l'île aux oiseaux, notamment cormorans royaux et impériaux, puis nous approchons très très près de l'île aux Loups (otaries ou lions de mer) où une colonie de ces mammifères marins est installée. Nous sommes à quelques mètres d'eux. L'odeur est très forte, prenante. Plusieurs familles se prélassent sur les rochers. Les mâles, impressionnants, ont une espèce de crinière qui les fait ressembler à des lions et poussent fréquemment des cris ; les femelles sont beaucoup plus petites et leur progéniture est bien sûr présente. Les otaries se déplacent en rampant, tout en prenant appui sur leurs nageoires, contrairement aux phoques. Des oiseaux leur tiennent compagnie.

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Nous contournons ensuite le phare « des Eclaireurs » (le nom français est utilisé), encore appelé phare de La Fin du Monde. Construit en 1919, il est le symbole authentique de la ville d'Ushuaïa. (Un deuxième du même nom est situé sur les îles Malouines). P1010064blog.JPG

Débarquement sur les îles Bridges pour une balade sur un sentier d'interprétation flore et avifaune caractéristiques  de l'endroit : calafate, plante aux baies ressemblant à des groseilles, sorte de pâquerette, végétation très ancienne et très fragile ressemblant à de la mousse, plantes appelées barbes de vieux,... Nous avions le choix entre l'anglais et l'espagnol pour les explications : nous avons opté pour l'anglais car nous étions par conséquent seuls avec le guide et un couple d'américains. P1010107blog.JPG P1010111blog.JPG

Notre accompagnateur nous parle aussi des aborigènes et des pêcheurs de coquillages Yamanas. En effet, il y a ici les vestiges les plus importants de la région. Emplacements de camps, immenses tas de coquillages, traces de leur passage quand ils étaient bloqués quelques jours par le brouillard et devaient attendre une meilleure visibilité avant de remonter sur leurs barques. Les femmes chassaient les otaries (elles étaient les seules à savoir nager) ; les indiens vivaient nus (malgré le froid intense) et s'enduisaient le corps de graisse animale, la pluie les lavait. Ils allumaient le feu dans leurs pirogues quand ils naviguaient, en utilisant une technique particulière pour ne pas enflammer l'embarcation. Durant 6000 ans, ils vécurent isolés. Les étrangers, à leur arrivée, leur ont apporté les maladies et ils ont vite été décimés.

Notre guide nous explique qu'ici, les températures ne sont pas si extrêmes qu'on pourrait l'imaginer, certes en-dessous de zéro, mais jamais - 30°C.

Thé, maté, petits gâteaux puis liqueur de café nous sont offerts à bord.

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A notre retour à terre, nous déjeunons de pâtes dans un restaurant italien : il est 16 H 00.

Nous décidons, vu les conditions atmosphériques, d'aller prendre le télésiège pour grimper au Mont Martial. P1010131blog.JPG P1010137blog.JPG Nous marchons ensuite un moment jusqu'à arriver au pied du glacier. Le point de vue est unique sur la baie d'Ushuaïa baignée de soleil. Nous reprenons le télésiège et marchons ensuite jusqu'à notre hôtel, où nos pieds endoloris sont pressés d'arriver. Nous retournons en ville avaler un hamburger local (au lomo et au bon pain) et rentrons nous coucher, fatigués mais ravis. La GV repense à l'article lu récemment où il était écrit que des veuves noires (araignées très très venimeuses) avaient été vues dans le coin, mais réussit quand même à s'endormir, après avoir vérifié les draps.

19/02/2014

Départ à 7 H 30 pour l'excursion avec l'agence Piratour, seule autorisée à se rendre sur l'île Martillo (marteau) nommée ainsi à cause de sa forme, notre destination du jour. Encore une longue et riche journée en perspective.

Minibus pendant 1 heure 30, d'abord sur la Route Nationale 3, vers Tolhuin, puis sur une route « provinciale » non asphaltée, une piste pour faire simple. Les paysages défilent : la fin de la Cordillère des Andes, la vallée des Loups (moins attirant), le Mont Olivia,... Le principal fléau ici est le castor, introduit par l'homme assez récemment, il est responsable de dégâts énormes, bien visibles à l'oeil nu : inondation de zones entières, où les arbres aux racines noyées meurent, en plus de ceux rongés par l'animal. De plus, les racines étant ici très peu profondes, il suffit qu'un arbre tombe et il en entraîne beaucoup d'autres. Spectacle de désolation : arbres morts, forêt comme pétrifiée par endroits.

Nous arrivons à l'Estancia Harberton ; en face, nous apercevons Puerto Williams au Chili. P1010151blog.JPG

Un quart d'heure de zodiac presque entièrement toilé (nous comprenons vite pourquoi) et nous accostons sur  « l'île ».

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Débarquement très précautionneux pour ne pas effrayer, pas de bruit ni de mouvement brusque et puis nous y voilà !.

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Il fait un froid de canard ou plutôt de manchots, c'est bien pour cela qu'ils sont installés ici et c'est pour les voir que nous sommes là ! Le vent glacial nous cingle le visage (nous étions encore sous la chaleur des Antilles il y a très peu de jours, non pas que la chaleur nous manque déjà, simplement le contraste est saisissant) mais nous sommes béats d'admiration et apprécions cette improbable rencontre. Nous sommes entourés de manchots Magellan (plus de mille), Roi (1 seul) ou Papou (une soixantaine) dans leur habitat naturel. P1010157blog.JPG P1010161blog.JPG P1010214blog.JPG

Les cris des mâles qui se dressent sur leurs pattes, (on voit leur thorax se soulever) en émettant des sons sensés attirer les femelles sont saisissants. Il y a les tout petits (bébés), ceux qui perdent leurs plumes (il leur en reste au niveau du cou), ceux qui nagent après avoir sauté (ce sont d'excellents et très rapides nageurs) et tous ceux qui marchent en se dandinant de manière si caractéristique, on ne se lasse pas de les admirer. (rappel :les manchots, contrairement aux pingouins, ne volent pas).

Les nids sont creusés et préparés par les mâles et les femelles arrivent 8 à 10 jours après (pour l'espèce Magellan), des oiseaux sont également présents : leur principal prédateur mais aussi des cormorans, des mouettes (bec et pattes couleur orange). Les Magellan ne viennent sur l'île que l'été alors que les Papou sont présents toute l'année. Le seul Roi est certainement ici « en repérage » et les scientifiques espèrent que d'autres viendront rapidement le rejoindre.

Nous sommes surpris par leur petite taille : celle des manchots Magellan est d'environ 75 cm à l'âge adulte, celle des Papou de 90 cm et celle du Roi, 1 mètre environ. Le manchot Empereur, immortalisé par « La Marche de l'Empereur » mesure 1 M 15 en moyenne.

Des balises/caméras cachées surveillent la colonie et savent en permanence ce qui s'y passe.

Malgré le froid intense, cette heure de marche, au milieu des manchots et de leurs centaines de nids (bien sûr toujours à quelques mètres d'eux, deux cordes traçant un chemin sont tendues pour ne pas être trop près et donc les perturber) nous ravit, nous apprécions vraiment ce moment unique et presque irréel.

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Retour en zodiac à l'hacienda, un thé pour nous réchauffer et nous allons visiter le musée des mammifères marins. Squelettes de dauphins, d'orques, de baleines, notamment de celle récemment dévorée par des orques dans la baie d'Ushuaïa.

Après le trajet en bus, nous allons manger dans un restaurant où un agneau écartelé est en train de cuire en position verticale. On rachète des lunettes au GV qui vient de casser les siennes. Quelques achats puis direction la base navale d'Ushuaïa.

S'y trouvent le Musée Maritime et de la Présidence. Présentation de La Terre de Feu : son histoire et ses bateaux. Robert Fitz Roy découvrit le Canal de Beagle en 1831 sur son navire le Beagle et l'extinction rapide des Indiens s'ensuivit. L'Argentine en Antarctique (le 6ème continent) avec ses très nombreuses expéditions. Aujourd'hui, l'Antarctique est la terre de tous et de personne.

Le musée du bagne : la prison d'Ushuaïa était au départ pour les récidivistes. Les premiers bagnards arrivèrent en 1886, sur le modèle français de Nouvelle-Calédonie, en vue de coloniser l'île avec des prisonniers, 11 hommes et 9 femmes. Les bâtiments ont été construits en 1902 par les bagnards eux-mêmes : 380 cellules individuelles (ils furent jusqu'à 600). Le régime était basé sur le travail réparti, par exemple la construction du train le plus austral du monde en 1910. La prison sera fermée en 1947. Les cellules d'une aile du bagne ont été conservées en l'état.

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Les autres ailes ont été restaurées et présentent diverses expositions : histoire de l'Argentine, de ses émigrants, modes de vie y compris ceux des indiens primitifs. Galerie d'art un peu plus loin.



Nous ne quitterons pas Ushuaïa sans parler des Malouines (objet de la récente guerre éclair avec la Grande-Bretagne). C'est un sujet plus que sensible ici et les britanniques ne sont pas du tout les bienvenus. Pour preuve ce très grand écriteau devant le port : «  il est interdit aux navires pirates anglais de s'amarrer ici »...Pour les Argentins, c'est une usurpation de terres. Ils ont d'ailleurs déposé un recours aux Nations Unies afin de récupérer « ce qui leur appartient ».

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En rentrant à pied à l'hôtel, nous en profitons pour prendre encore quelques photos. Les lupins sauvages de toutes les couleurs, sont partout présents dans la ville et ses alentours et apportent une touche originale et fleurie. P1010149blog.JPG Nous ne résistons pas au plaisir de photographier les coordonnées GPS au coin de la rue de notre hôtel. P1010250blog.JPG

Ce fut une journée mémorable. Demain matin tôt, nous quitterons Ushuaïa et la province de la Terre de Feu. P1010247blog.JPG